Création romaine
Les romains se sont intéressés à cette région. Habiles architectes
et grands constructeurs, ils créèrent Ad Dracones qui ne fut, en fait,
qu'un poste, peut-être important au plan militaire, permettant le
contrôle et la sécurité des convois romains sur le grand axe Portus
Magnus/Albulae ( Saint-Leu / Aln-Témouchent ).
Ad Dracones, la cité des dragons fut ainsi nommée en raison des
sources sulfureuses très appréciées des Romains, sources qui
semblaient cracher la lave et le feu.
Il est probable que les armées et populations romaines s'attachèrent,
durant les deux à trois siècles où leur colonisation fut poursuivie,
à cultiver le blé et peut-être la vigne ainsi qu'à développer
l'olivier sur le pays. L'essentiel des grands marchés romains portait
en effet sur ces trois denrées blé, vin et huile.
Évêché
On ne peut passer sous silence la volonté romaine de développer
certes, la colonisation militaire mais aussi la colonisation religieuse.La présence tout autour d' Ad Dracones, d'autres évêchés comme
Alhulae
(Aïn-Témouchent), Ad Crispae (Bou-Tlélis), Ad Fratres
(Nemours), Fluvio Assaris (Pont-de-I'lsser), Portus Sigensis (Béni-Saf
) montrent que les Romains mêlaient intimement l'administration civile
et religieuse.
La position d'Ad Dracones en tant qu'évêché fut relevée jusqu'au
Vème siècle. Deux au moins de ses évêques nous sont connus Auxilius
et Maddanius qui participèrent à Carthage à ces congrès-conciles
mi-religieux, mi-politiques chargés de contenir la pression des
évêques schismatiques ariens, tous féaux
des bandes vandales du roi
Hunéric qui allait ruiner le pays.
Bien avant le Vème siècle, l'invasion vandale mit fin à la domination
romaine et un pillage organisé anéantit pratiquement les grands
territoires agricoles édifiés par les légions de Rome en terre
africaine. Si donc Ad Dracones connut, ce qui est vraisemblable, une
première colonisation liée à la découverte de ses terres fertiles
tant au blé qu'à la vigne, les hostilités entre Romains et Vandales,
puis entre Vandales et Maures au Vlème siècle, achevèrent de
détruire ce pays naissant jusqu'à lui rendre, au fil des siècles, son
caractère quasi préhistorique.
Avant l'ère romaine, les
maghrébins fixés sur la région habitaient de préférence les grottes
assez nombreuses sur cette contrée.. Les indigènes restèrent dans ces
régions, très assidus des sources dont les Romains leur avaient vanté
les vertus.
Un terrible séisme
Le VII ème siècle fut marqué par le terrible séisme qui engloutit
Albulae (Aïn-Témouchent ) distante de seulement 25 km.
Il semble difficile de ne pas envisager le prolongement de cette
catastrophe jusqu'aux points de peuplement voisins comme
Hammam-Bou-Hadjar, zone marquée de failles volcaniques profondes et de
vastes échancrures terrestres comme le fameux " Fer à Cheval ", voisin de la ville, qui constitue l'affaissement
tellurique le
plus marqué de la région.
Les Béni-Ameur
Tout au long des siècles qui suivirent, seule la vie pastorale et
nomade des habitants allait assurer le lent peuplement de cette région.
Un certain nombre de familles assurait la représentativité de ce
douar. Leur
installation est antérieure au XVllI ème, à une époque
où s'établit enfin sur l'ouest algérois, grâce à la médiation des
grands chefs religieux, une paix relative qui mit fin en particulier aux
exactions des grandes bandes qui avaient leur zone de repli au Maroc.
Il y avait aussi, sur la région, une fraction de la puissante tribu des
Béni-Ameur capable de lever sur ses territoires innombrables une
véritable armée. Les Turcs, puis les Espagnols eurent à négocier
avec elle, ce qui, d'ailleurs n'empêcha nullement les conflits.
C'est en 1805 que les Turcs, bien implantés à Oran, s'engagèrent à
réduire cette trop puissante tribu qu'ils acculent sur le
Témouchentois. Leur chef, Mélakéche, jette dans la bataille toute sa
force de cavaliers et de fantassins. La bataille est longue et féroce,
mais les Béni-Ameur sont finalement vaincus à la sortie
d'
Hammam-Bou-Hadjar alors qu'ils refluaient vers le Tessalah. Cette
victoire fut, finalement, plutôt néfaste à la puissance turque qui
aurait dû s'allier les Béni-Ameur plutôt que les combattre car le
ressentiment des musulmans fut profond sur toute la province d'Oranie.
Moins de 25 ans plus tard, les forces françaises amenaient une paix
décisive sur la région après la reddition de l'Emir Abd-El-Kader. La
colonisation accélérée du pays ouvrait, elle, une ère de
prospérité.
L'épopée française
Hammam-Bou-Hadjar vient d'un patronyme intrinsèquement arabe et que
l'on peut traduire ainsi " Bains chauds (Hammam) "
références aux sources, de la pierre (Hadjar), référence au rocher
et à ses concrétions calcaires, référence, peut-être aussi, aux
"Hadjaria",vieille tribu établie sur la région.
La création du village a été soumise à la commission dite " des
nouveaux centres " - instituée par arrêté du 23 août 1859- le 4
novembre 1873. Ce n'est toutefois que le 11 mars 1874 que la commission,
présidée par M. Bonnafous, commissaire civil, donne un avis favorable
à la création d'Hammam-Bou-Hadjar, sur le lieu même des eaux ainsi
qu'il est précisé dans le rapport.
Créé entre les eaux et l'ancien marabout de Bou-Hadjar, le village va
finalement prendre corps à l'emplacement du poste romain Dracones, sur
cette piste historique reliant Albulae (Ain-Témouchent) à Regiae (Arbal).
Tout voyageur était émerveillé de ce qui s'offrait à sa vue un vaste
horizon de plantations et de cultures, des fermes aux toits clairs
terminant de longues allées plantées d'oliviers ou d'eucalyptus,
toutes ces campagnes formant la commune d'Hammam-Bou-Hadjar avec,
là-bas, en son centre, l'agglomération et son tracé
rectiligne, ses
immeubles, ses villas et jardins pleins de charme, et puis, bien
visibles au-dessus le beffroi de l'Hôtel de Ville et la flèche
élégante de l'église inaugurée en 1898.
La présence des Thermes si réputés pour les cures et la fraîcheur
des jardins (Jardin du Rocher, notre Petit Vichy et le Jardin des
Veuves) donnaient l'impression calme des oasis. Ensemble harmonieux s'il en
fut, la ville et ses alentours donnaient aussi une impression d'ordre et
d'aisance, avec ce je ne sais quoi en plus, qui semblait parfaire les
lieux, les éclairer de cette lumière vive, propre à mettre en valeur
une architecture
heureuse dans la parfaite synchronie des lignes et des
teintes.
Harmonie, oui. harmonie! voilà bien le mot-clé propre à définir ces
longues diagonales qui, du cimetière aux thermes, ou des abattoirs à
l'ancienne gare, s'ouvraient à une animation permanente alors même que
leurs extrémités semblaient se perdre dans les vignes dans ces vastes
forêts de ceps où le soleil filtrait comme dans l'échancrure d'un
corsage jusqu'à la gorge nourricière.Lors de la conquête de l'Algérie, le lieu n'était qu'un simple douar,
connu cependant pour ses élevages et un certain commerce de céréales
provenant d'environ 2000 hectares de terres cultivées. Le reste du
territoire est abandonnée aux troupeaux, encore ceux-ci sont-ils
regroupés sur les basses plaines, ou lentisques et palmiers-nains ne
constituent pas la forêt qui recouvre tant d'autres lieux.
Dans les années 20, le Maire Jean Saint-Jean encourage les premières
initiatives qui visent à rassembler la jeunesse bou-hadjarienne dans un
grand club omnisports aux côtés de la vie associative du village
soulignée par une fanfare.
L'Union Sportive d'Hammam-Bou-Hadjar, 1'USHBH, venait de naître. Dès
sa création en 1923 et jusqu'à la guerre en 1938, I'USHBH se hissera
en tête du hit-parade des équipes de football et c'était sans compter
le cyclisme, le Tennis, le Boules-club et le Judo-club. Les associations
se démultiplieront avec les Amitiés
Laïques, les Cols Bleus,
l'Association Saint-Vincent de Paul, l'Amicale des Marauders, l'Amicale
des Francs-comtois ou les Anciens Combattants.Il y avait beaucoup de fêtes dans le village. Certes, les patronales y
étaient réputées mais aussi celle du Tennis-club, des écoles, de l'USHBH;
des Amitiés Laïques ou des oeuvres Catholiques. Quant à la fête annuelle, toujours largement dotée par la
municipalité, elle drainait des foules énormes tant l'ambiance était
extraordinaire.
Mais la vedette était sans conteste le Bou-You-You, le tramway à
vapeur qui reliait Oran à Hammam-Bou-Hadjar.
Nous lui consacrerons, ultérieurement un article, mais signalons tout
de même que c'était un train peu ordinaire, moitié bus, moitié
tramway qui ne s'en laissait pas conter et vous crachait, rageur, une
envolée d'escarbilles charbonneuses à vous noircir un ivoirien lorsque
le mécano lui chatouillait la vapeur.
Lors de ses ralentissements, nous avions le temps de descendre nous
dégourdir les jambes et de remonter en marche tant il prenait son temps
notre Bou-You-You.
La fin de l'ère française
En 1960, la population d'Hammam-Bou-Hadjar comptait environ 16 000
habitants, dont plus de 10 000 sur la seule agglomération. Les
événements qui sévissaient à Oran, les opérations militaires dans
le bled, avaient amené un certain nombre de familles à se regrouper au
village, regroupement encore facilité par la mise en service des trop
fameux " 374 logements " ouverts en bordure de la route d'Ain-Témouchent
et qui devaient rendre, un temps, ce passage difficile. Parallèlement, la population
européenne commençait sérieusement de baisser.
Chômage, menaces et
exactions ajoutées à la perspective de cette " Algérie
algérienne " voulue par le pouvoir, entraînaient peu à peu un
certain nombre de familles à quitter le village pour aller s'installer
en métropole. En dépit des pressions amicales exercées pour les
retenir, bien des familles quittèrent ainsi
Hammam-Bou-Hadjar, en
majorité ouvrières, précisons-le. Mais ces départs, outre qu'ils
entamaient le moral de beaucoup, infléchirent dangereusement la
présence européenne qui chuta de près de 500 individus en 5 ans.
A partir de 1961, un plan fut mis sur pied pour enrayer cet exode
naissant. Plan aussi collectif que clandestin et qui apportait une aide
substantielle aux chômeurs, aux sans emploi du fait des événements.
Mais, outre que les familles aisées ne pouvaient donner qu'à la mesure
de leurs moyens, la colonie prenait,
elle aussi, insensiblement, pied en
France.
La brèche demeurait grande ouverte et le village continua à se vider.
Là est donc bien le commencement de ce reflux européen qui allait
s'amplifier en 1962/63 à l'indépendance de l'Algérie puis à la
saisie des biens, jusqu à vider Hammam-Bou-Hadjar de la totalité des
européens, puisque moins de 1% demeura dans les lieux.
Français, Espagnols, Italiens, Suisses, Belges, Portugais et Grecs,
quelques autres même, comme ces 'Russes blancs' que nous avons connus
à Oran et qui s'étaient établis après la révolution, en 1917 dans
leur pays. Toutes ces origines déjà diluées, toutes ces nationalités
en partie évanouies, toutes ces ethnies, à la fois différentes et
complémentaires, cohabitaient sans problèmes majeurs et avec
solidarité. Toutes, confondues et diffuses, livraient à l'Algérie une
descendance
unificatrice qui composait précisément cette vivante
communauté pieds-noirs qui ne se révéla à la mère-patrie que
lorsque celle-ci, par son vote historique mais imbécile, l'eut
implacablement condamnée à l'exode sans l'avoir entendue ni comprise.
Extrait
de "Hammam-Bou-Hadjar 1874-1962 Petite chronique de mon village algérien et
de son environnement "
Georges-Emile Paul
1988
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